LA QUALITE N'A PAS DE SEXE (Eva Hesse)
Fille ou garon ! Les deux la fois ! Ni lĠun, ni lĠautre ! ĉtre des deux ! ĉtre entre les deux ! Perturber les genres, en changer les rgles, transcender les catgories en les enchevtrant, dranger les repres, jongler dĠun territoire lĠautre, lĠÏuvre de Brigitte Zieger sĠannonce, depuis les annes 90, comme perturbateur du clich entendu dĠune acception fminine ou masculine de lĠart.
Issue de la gnration des annes soixante-dix dont les revendications des mouvements fministes ont largement contribu lĠassertion de la femme artiste au sein dĠun monde domin massivement par le mythe de lĠartiste visionnaire et machiste, Brigitte Zieger sĠinscrit, en partie, au sein de cette historicit. CĠest en effet au travers dĠune critique morale, sociale, et politique que la figure de la femme artiste sĠest constitue en alimentant dĠautres discours et modes de reprsentation ; lĠinvention par les artistes femmes dĠautres gestes, rituels, et postures, reposant notamment sur lĠaffirmation de la subjectivit, sur la redfinition dĠune esthtique, sur la dnonciation tant du corps/objet marchandise que du refus dĠun gnie crateur masculin, a bouscul lĠensemble des conventions artistiques modernistes.
Brigitte Zieger Ïuvre effectivement aux frontires des strotypes de reprsentation du fminin et du masculin, tissant ainsi un univers o ces archtypes sont mis lĠpreuve par des procdures de dplacements, de transferts, de mtamorphoses, accordes lĠutilisation prcise de matriaux et de mdiums ; vido et installation, dessin et animation, espace et sculpture ou encore performance, ces pratiques sont gnralement combines, croises, ce qui a manifestement densifi, enrichi et ramifi lĠensemble des propositions de lĠartiste depuis quinze ans. Cette imbrication subtile des genres conduit le spectateur prouver une attente, un dlai, car la forme et le rcit se trouvent peu peu mis en pril et sujets une imprieuse interprtation. Si en effet les distinctions de genre sont toujours tangibles dans lĠinconscient collectif et dans la ralit sociale, puisque les filles continuent bien jouer la poupe et les garons la voiture, ces clivages contribuent largement lĠlaboration dĠun imaginaire strotyp auquel lĠartiste a dcid de se confronter en nous plaant dans l'attente de la chute, du retournement, du renversement, sans que nous le sachions.
Partant dĠun modle en kit dĠune Mercedes, Brigitte Zieger a agrandi la taille relle les 130 pices qui la composent. Tout en carton dĠemballage, la voiture dsosse sĠtend mthodiquement au sol, prte tre remonte, reprendre vie. Ç Les hommes nĠont pas fini dĠaimer les voitures È, et ils ont, semble-t-il, toujours plaisir bichonner leurs armes, comme ils dorlotent et clinent le corps de leur femme. Playtime : nous voici les tmoins dĠune scne mythique du cinma populaire, lorsque le tueur prpare son matriel de mort pour commettre son horrible forfait ; suspensÉ ici, la mitraillette a perdu sa dimension premire, elle est dmesure et fabrique dans des cartons dĠemballage venus des quatre coins de la plante. Devenue un produit gnrique, elle est drisoire, une copie factice et anti-fonctionnelle dĠun objet hautement violent et masculin, qui l sĠapparente un jouet manipuler et peu vraisemblable.
La violence est l, latente, prte clore. Elle sĠimmisce, se glisse et se manifeste, le plus souvent, au travers dĠune rupture soit sous la forme dĠun retournement du dispositif de rcit soit dans la perception sensible et physique de lĠÏuvre. Etranget, surprise, stupfaction de lĠinattendu : Hits and Misses 1, un personnage vu de dos, peut-tre sĠagit-il de lĠartiste, chute en traversant la totalit dĠun plancher : fracas, effondrement du corps, rptition dĠune marche fatale dans un univers blanc ; ou encore, la manire dĠune performance, dans une autre version de Hits and Misses o ce mme personnage est enclin une lutte totalement dsespre pour retenir une cloison qui sĠabat sur lui. Cette performance filme dĠun combat vain nĠest pas sans lien avec la vidoprojection Mondwest. Immobile face la camra, cet immense portrait, au caractre androgyne, est pris dans une atmosphre aux lumires colores : chacune de ses lentes respirations sort de son vtement une paisse fume qui lĠenvahit. Dans cet univers factice, un peu surnaturel, le personnage tel un robot est impassible, ne manifestant aucune motion alors quĠil semble se consumer et tendre sa disparition. Ici, le corps est directement mis lĠpreuve ; quĠil soit en mouvement ou au contraire statique, le sujet est prisonnier dĠun univers qui lui chappe.
Shooting Wallpaper est une projection, la dimension dĠun mur, dĠune tapisserie aux motifs trs reconnaissables dĠune toile de Jouy. Au dpart rien ne bouge, puis de faon alatoire on discerne une figure fminine qui peu peu sĠanime et sĠextrait de son environnement bucolique pour se diriger, dĠun pas nonchalant, vers nous ; vtue dĠune robe longue, comme dans les peintures pittoresques du XVIIIme sicle, sa marche lgrement dhanche, lente et assure, sĠapparente tant celle menaante d'un cowboy quĠ celle rotique dĠune sductrice. CĠest ainsi que la silhouette braque son arme dans notre direction, nous tire dessus, puis se retourne et reprend tranquillement sa place dans le dcorum. Ne sachant pas dĠo elle surgira, nous sommes lĠafft, pris dans cette danse un peu macabre et absurde o les multiples dtonations nous transportent dans les divers genres cinmatographiques que sont le film de guerre, le western, ou le thriller. Dans cet univers douillet et Ç cocotte È, le spectateur est face une savoureuse et intrpide violence qui sĠest introduite l o on ne lĠattendait pas.
Brigitte Zieger chafaude des basculements, des renversements dĠun univers un autre, en insufflant des anomalies, des chutes inattendues et incongrues nous poussant interroger nos reprsentations. Car l'entrelacement du merveilleux et du grinant, de lĠinattendu et du danger, de la fantaisie et de lĠironie, du factice et du spectaculaire, du vrai et du faux, du masculin et du fminin, de la violence et de la douceur, provoqu par de successifs dplacements, suscite des prises de conscience sur nos comportements et notre environnement quotidien. C'est ainsi qu'en sĠappropriant, par exemple, des images issues tant de la presse internationale que de source Internet, l'artiste enclenche un processus de rflexion fond sur la ralit sensible de notre relation au monde qui place la reprsentation comme un espace de reconnaissance et de connaissance de ce dernier.
Ë partir de reproductions montrant la trajectoire ascensionnelle puis descendante de fuses qui dessinent des jets blancs concentrs et fusels dans le ciel, lĠartiste ralise dĠimmenses dessins en utilisant uniquement du fard paupire aux valeurs de gris irises ; le maquillage devenu matriau graphique conjuguant les vertus de la lumire, du scintillement et de la matire, apporte une texture, une densit, un velout, un model, une dynamique cette srie intitule Up and Down. Entre le camouflage pour masquer une ralit d'un possible danger et la reconnaissance dĠune beaut spectaculaire, presque magique, ces dessins dplacent notre reprsentation et dcalent notre perception.
Proche de lĠÏuvre de Martha Rosler, qui par sa Ç politique de collage È associe des lments a priori incompatibles pour mettre nu la monstruosit de notre environnement, Brigitte Zieger, quant elle, met en douce tension des rencontres htrognes et paradoxales qui nous conduisent dlicatement nous interroger sur la brutalit de notre monde : forme de rsistance et peut-tre pressentiment quĠun autre monde est sur le point dĠtre dvoil.
EXCELLENCE HAS NO SEX (Eva Hesse)
Girl or boy ? Both at the same time! Neither one nor the other! Both together! Between the two! Perturbing genres, changing the rules, transcending categories while entwining them, upsetting reference points, juggling from one terrain to another: Brigitte Zieger's work has, since the 90's, been perturbing the given clich of the feminine or masculine in art.
To a certain extent one can say that Brigitte Zieger, who comes from the 70's generation of feminist movements which greatly contributed to the assertion of the woman artist within an art world that was massively dominated by the myth of the visionary and macho artist, to a certain extent, also tackles the same set of preoccupations. Indeed it has been through moral, social and political criticism that the woman artist has invented other gestures, rituals and postures, relying in particular on the affirmation of subjectivity, the redefinition of an aesthetic, denunciation of body / object as merchandise and refusal of the masculine creator genius, and in so doing upturned every modernist artistic convention.
Brigitte Zieger works at the very frontiers of the stereotypical representation of the feminine and masculine, weaving a universe in which archetypes are tested through various procedures and displacements, transfers, metamorphoses, and assigned to a precise use of materials and medium; video and installation, drawing and animation, space and sculpture, or performance. Such practices are generally combined, and cross over, which has assuredly densified, enriched and led to the ramification of the artist's work over the last fifteen years. Such subtle overlapping of the genres leads the viewer to experience a certain moment of expectancy, a delay, before the work, as the form and narrative become imperiled little by little and subjected to an imperious interpretation. If indeed the distinctions of genre are always tangible within the collective unconscious and in social reality, as girls continue to play with dolls and boys with cars, then such divisions greatly contribute to the elaboration of the stereotyped imaginary world which the artist has chosen to confront, while we are to wait unwittingly for the fall, the twist, the inversion.
Shooting Wallpaper is a projection the size of a wall of a tapestry. The patterns are easily recognizable as Jouy fabric. At the beginning, nothing moves, and then randomly one makes out a feminine figure which comes to life little by little and, stepping out of her bucolic environment, comes up towards us nonchalantly; wearing a long dress, as in the picturesque paintings of the XVIII century, she slightly sways her hips, slowly and with assurance, reminding one of the threatening manner of a cowboy as well as the erotic style of a seductress. In the same way she holds up and points a gun in our direction, shoots at us, then turns around and calmly goes back to her position in the decor. As we cannot know from where she is next going to spring, we are on our guard, held in this rather macabre and absurd dance in which the multiple detonations transport us to diverse cinematographic genres: war films, westerns, or thrillers. In this cozy and "girly" universe, the viewer is before a delectable and intrepid violence which has managed to slip in there where one would least expect it.
Brigitte Zieger spans the alternating, upturned forms of one universe and another, instilling anomalies, unexpected and incongruous falls in her wake, and forcing us to question representation as we know it. The intertwining of the marvelous with the unsettling, the unexpected with danger, of fantasy with irony, and fictitious with the spectacular, of the real with the false, masculine with feminine, violence with gentleness, provoked by successive shifts, evokes an awareness of our behaviour and our daily environment. By appropriating, for example, images from the international press as well as the Internet, the artist sets in motion a process of reflection founded on sensitivity to the reality of our relationship with the world, where representation is seen as a space for recognition and the knowledge of it.
(english translation by Carmela Uranga)
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Attention Ïuvres piges Baited Artworks (press version) Philippe Fernandez |
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Attention Ïuvres piges Baited Artworks (catalogue version) Philippe Fernandez |
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Sculpture des images Sculpture of images Dominique Pani |
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La qualit n'a pas de sexe Excellence has no sex Estelle Pags |
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The Shadow Gilles A. Tiberghien |
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Vita activa Florence Derieux |
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Eye-Dust Philippe Fernandez |
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Pieces of Possible History Julie Crenn |
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